Essai | L’auto-critique heideggérienne

Dans cet essai, Henri Crétella revient sur le sens de l’inapparent chez Heidegger.

« Une phénoménologie de l’inapparent » : ainsi, le philosophe a-t-il caractérisé, au terme de son dernier séminaire, « la pensée demandée » à laquelle il s’est consacré. Ne pas s’y tromper cependant : le préfixe in- dans cet « inapparent » doit être entendu, tel qu’en français : doublement. Il ne se borne pas à signaler ouvertement le non-apparent, mais sous-entend plus finement qu’il y a un cela grâce à quoi : un ce en quoi apparaît tout ce qui apparaît. À savoir le langage : lequel est à concevoir dans l’acception sémiologiquement renouvelée que Saussure nous en a léguée.

Il devient ainsi possible de déceler selon quel inédit troisième temps s’est ordonné l’itinéraire de pensée de l’auteur d’Être et temps : après cette percée dans la détermination de l’existant, puis son « tournant » dans celle de l’avenant, leur débouché dans une pensée doublement renouvelée de l’identité même : comme vérité et simultanément corporéité.

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« A-t-on observé comment en effet nous advient la pensée ? Est-ce autrement que silencieusement : dans la questionnante attente précédant le mot qui pourrait en exprimer la visée, mais qui aussi bien pourrait demeurer en attente à jamais ? »

Alberto Giacometti, L’Objet invisible (Main tenant le vide) (1934-35)

Crétella — L’auto-critique heideggérienne